Les formes animales de Jean Paulhan (avec Maurice Merleau-Ponty et Adolf Portmann), texte prononcé lors de la soirée d’hommages à Jean Paulhan, organisée pour le cinquantième anniversaire de sa disparition, au Musée Delacroix, Paris, le 18 décembre 2018

« C’est en 1948 que paraît, à Bâle, Die Tiergestalt ou La Forme animale, ouvrage du zoologue Adolf Portmann, qui propose une approche du monde animal par un regard attentif à la multiplicité de ses formes. En ce sens, l’ouvrage rompt avec le darwinisme dominant pour lequel les manifestations de la vie animale sont entièrement soumises à l’instinct de conservation de l’individu et de l’espèce. Le plumage des oiseaux n’est plus seulement une chaude couverture protectrice, mais « un manteau coloré dont la valeur intrinsèque réside uniquement dans son apparence visible ». L’animal existe d’abord pour et par sa forme. C’est un maître de la Gestalt, terme que Portmann emprunte à Goethe. L’animal, lui, est ce qu’il paraît, il performe son être dans ce qu’il en donne à voir. Penser l’animal par ses formes est donc une approche nouvelle qui, chez Portmann, prend son point de départ dans son observation éblouie de la vie. Le zoologue, également dessinateur, ne cherche pas à défendre une objectivité toute-puissante par rapport à son objet d’étude ; au contraire, il fait de son étonnement devant l’étrangeté des formes animales le point de départ de sa pensée et son aboutissement : « Ce livre est consacré à l’apparence animale et voudrait conduire à une joie ressentie à la richesse des formes ». Par-delà la visée scientifique de l’observation, c’est à une écoute de la vie que nous convie Portman : « Peut-être jaillira-t-il de ce livre, ici et là, de quoi éveiller l’amour du vivant et le respect sacré devant l’inconcevable existence des formes animales ». »

Rien n’indique que Jean Paulhan ait lu l’ouvrage de Portmann, quoique la première publication en français chez Payot date de 1961. Mais s’il l’avait lu, il l’aurait certainement apprécié.

 

2019
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