Actualités

Sortie le 5 février 2025, catalogue de l’exposition Henri Michaux. Mescaline Drawings, The Courtauld Gallery, Londres, 12 février-4 juin 2025. Avec Franck Leibovici (contribution) et Ketty Gottardo (éd.).

Présentation de l’éditeur : Muriel Pic s’était déjà approchée du théâtre en donnant la parole à d’illustres défunts sur une scène imaginaire, dans ses récents Dialogues des morts sur l’amour et la jouissance, revivifiant du même coup un genre ancien que l’on croyait poussiéreux. Rosa Luxemburg (dont Muriel Pic a récemment édité avec succès L’Herbier de prison, accompagné d’un choix de lettres) y faisait d’ailleurs une apparition. On sait que Bertolt Brecht désirait écrire une pièce sur le destin tragique de la révolutionnaire allemande et Le Dernier Printemps de Rosa Luxemburg pourrait donc apparaître comme la réalisation de ce souhait. Or Muriel Pic a eu l’idée de faire du dramaturge allemand un personnage, mais dans une pièce qui prend le contre-pied de celle qu’il aurait souhaitée, et qui réintroduit l’amour (« car seul l’amour est révolutionnaire ») et donc la vie dans ce qui n’aurait été que propagande, autant dire lettre morte (pour Brecht, « une bonne révolutionnaire est une révolutionnaire morte »). Outre Mathilde Jacob, la secrétaire à qui l’on doit la préservation des archives de Rosa, et Brecht, les deux protagonistes sont Rosa Luxemburg elle-même, au printemps de 1918 alors qu’elle est emprisonnée à Breslau, et Arthur Gertel, le jeune soldat qui a été chargé de veiller sur elle (et qui a laissé, écrit en français, un émouvant témoignage de son expérience). À partir d’une admirable lettre de Rosa placée en épigraphe, la pièce imagine l’amour qui naît entre la prisonnière (qui sait que ce sera pour elle la dernière occasion de rejouer l’histoire de Phèdre et Hippolyte) et son gardien (qui, malgré son refus des illusions, se demande si elle ne l’a pas ensorcelé). Elle se termine de façon merveilleuse par un escamotage d’illusionniste, triomphe d’une imagination capable, Brecht lui-même finit par en convenir, de changer le cours immuable de l’histoire et de transformer la tragédie en comédie. Le choix de faire parler ses personnages dans un vers libre d’un grand naturel contribue aussi à l’impression que nous avons d’assister à la représentation d’un « conte scintillant ».
Deux « poèmes dramatiques » plus courts complètent le recueil :  «Mon Cœur dévoré », merveilleuse lecture de Dante guidée par la sensation, dont Muriel Pic écrit, qu’elle est « sa seule vérité », et « Les preneurs d’astres », dans lequel une constellation d’auteurs et d’étoiles nous parlent de la place qu’il faudrait donner à l’intelligence sensible et intuitive pour nous orienter dans le monde, à l’heure où « la planète va cramer ».
Le choix original de l’expression « poèmes dramatiques » indique que ces textes sont à lire autant qu’à jouer. Mais aussi qu’ils n’entrent pas dans les catégories habituelles du théâtre, la tragédie et la comédie. De fait, ils se situent entre le théâtre, la poésie et l’essai, et consacrent l’alliance de la pensée et de l’imagination propre à l’écriture de Muriel Pic. Il n’est pas anodin que l’expression « poèmes dramatiques » appartiennent au lexique du premier romantisme allemand (Dramatisches Gedicht).

© 2025 - Muriel Pic